Le Labyrinthe du Silence

Laurelas7 août 2015
Le Labyrinthe du Silence

L’autre jour, je voulais absolument aller au cinéma, mais aucun film ne me donnait envie ou alors les séances étaient à des horaires qui ne me convenaient pas… Mais dans un petit cinéma d’art et essai du quartier, se jouait ce soir-là un film que j’aurais voulu voir à sa sortie, mais que j’avais manqué : Le Labyrinthe du Silence.

Une crêpe au fromage plus tard, j’étais au frais dans la salle, l’écran, les sièges de velours turquoise (oui) et moi (et quelques autres retardataires).

J’en suis ressortie un peu sonnée, les yeux encore un peu humides et profondément pensive – c’est à peu près l’effet qu’ont tous les films qui traitent d’un aspect ou un autre de la Shoah et de la seconde guerre mondiale. Je le savais en entrant. Je savais que ma bonne humeur se serait quelque peu envolée, mais je ne regrette pas mon choix.

Dans le Labyrinthe du Silence, on suit Johann Radmann, un jeune procureur qui découvre des pièces à conviction qui pourront permettre l’ouverture d’un procès pour inculper d’anciens SS ayant servi à Auschwitz tout en découvrant par la même occasion la réalité de l’horreur de la solution finale, imaginée par les nazis.

Mais dans une Allemagne d’après-guerre, il trouvera bien des opposants à ses ambitions… Il restera cependant déterminé à ce que l’Allemagne n’oublie pas son passé.

Le Labyrinthe du Silence

Pour commencer, clarifions les choses : Le Labyrinthe du Silence est un film historique, tiré de faits réels, mais dans lequel intervient tout de même une certaine part de fiction. Le personnage de Johann Radmann par exemple, n’a jamais existé, et se veut représenter les trois procureurs qui ont mené l’enquête, sur les ordres du procureur général de Francfort, Fritz Bauer, qui lui est bien présent dans le film.

C’est un choix narratif qui me semble logique – trois personnages principaux, ça n’aurait jamais fonctionné.

Le Labyrinthe du Silence est un film passionnant et terrifiant – je dis terrifiant, non pas parce qu’il est particulièrement dur dans son portrait et ses témoignages de la Shoah (au contraire, c’est assez pudique et le film ne joue pas dans le sensationnalisme), mais parce qu’il est terrifiant d’imaginer qu’un peu plus d’une dizaine d’années après la fin de la guerre, tant d’allemands ignoraient la réalité des camps de concentration jusqu’au point de ne pas savoir ce qu’était Auschwitz.

Imaginer que tout ce qu’il s’est passé de plus tragique pendant la guerre soit passé sous silence, tandis que d’anciens bourreaux soient retournés travailler dans leurs écoles, boulangeries, etc, me glace le sang.

Et ce fut visiblement aussi le cas de cette poignée d’hommes, dont parle le film, qui ont tout fait pour qu’un procès soit ouvert pour qu’enfin, justice soit faite et que le peuple allemand accomplisse son devoir de mémoire.

L’histoire du film est fascinante, nous tient en haleine mais tout en pudeur, comme je l’ai déjà expliqué plus haut, le tout à travers une mise en scène des plus classiques, qui pourrait être vue comme manquant d’inventivité… Mais je n’y vois aucun mal, personnellement, le fond étant suffisamment intéressant pour que l’on pardonne à la forme d’être aussi conventionnelle.

En outre, la reconstitution historique est fabuleuse – on se retrouve immergé dans une ambiance typique de la fin des années 50′, à travers des costumes soignés (je me suis rêvée dans les mêmes robes que les personnages féminins) et des décors parfaitement d’époque. Visuellement, le film n’a pas grand chose à se reprocher.

Quant aux acteurs, ils sont tous plus bons et convaincants les uns que les autres. Alexander Fehling d’abord, qui incarne notre procureur Johann Radmann, sorte de Jude Law allemand (la ressemblance m’a frappée quand je l’ai vu en action) est parfait dans un rôle que l’on voit évoluer au fil de l’enquête. Son personnage est authentique et tout simplement humain, et n’en fait jamais trop. 

Et puis il y a André Szymanski, qui incarne le journaliste Thomas Gnielka (qui a vraiment existé lui aussi), sorte de sidekick impulsif et passionné de Johann, mais qui cache lui aussi un lourd passé… Je ne vais pas entrer dans les détails quant à l’interprétation de chacun des acteurs, mais sachez qu’aucun d’entre eux n’en fait trop, et que leur jeu sonne incroyablement juste.

Pas de manichéisme extrême non plus dans Le Labyrinthe du Silence – pas de gentils ou de méchants dans une Allemagne d’après-guerre qui cherche à oublier. Comment déterminer qui a embrassé l’idéologie nazie ou a simplement suivi des ordres ? (bon, si, bien sûr qu’il y a de « vrais méchants », mais disons que le film ne s’est pas contenté de raconter l’histoire en noir et blanc, mais aussi un peu en gris…)

En somme, j’ai trouvé que Le Labyrinthe du Silence était un film intelligent et intéressant et la seule chose que je trouve à lui reprocher, c’est qu’il s’attarde un poil trop longtemps sur la spirale infernale et le désespoir dans lequel se trouve le personnage de Johann vers le milieu/la fin du film. J’ai trouvé que le film dérivait un peu de son sujet à ce moment-là… (mais c’est vraiment le seul petit défaut que je peux lui trouver)

Le Labyrinthe du Silence - Bande-annonce VOST

Alors oui, Le Labyrinthe du Silence est déjà sorti il y a quelques mois (le 29 avril précisément), mais je ne pouvais pas ne pas vous en parler. Si vous le voyez encore passer en salles, allez-y, et si jamais vous avez l’occasion de le voir un jour, je vous le conseille de tout cœur.

C’est un film instructif et passionnant donc, qui ne tombe pas dans le pathos ou le sensationnalisme et dont vous ressortirez sans nul doute pensifs et impressionnés. Et évidemment, si les films historiques vous plaisent, celui-ci ne devrait pas faire exception.

Je ne suis même pas sûre que vous serez amenés à verser de larmes – un peu, si, comme moi, vous êtes un peu hypersensibles. Cela dit, j’ai des circonstances atténuantes : depuis que j’ai visité Auschwitz, en plein hiver, il y a près de dix ans, il m’est impossible de ne pas m’émouvoir à l’idée de la Shoah. (rien que de l’écrire, j’ai la gorge nouée et les larmes aux yeux, voilà)

Enfin, je vous ai écrit tout ça, mais peut-être avez vous déjà vu ce film il y a longtemps ? Si oui, qu’en aviez-vous pensé ? 

Passez une belle journée 


Si vous avez aimé me lire, vous pouvez me le faire savoir, sans même commenter, en cliquant sur le   situé sous cet article – merci !

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Commentaires (15)

  • MissLeti

    7 août 2015 at 14h04

    J’ai aussi vu ce film et l’ai trouvé émouvant et juste. Il m’a aussi énervé de par le fait de voir que les Allemands ignoraient en grande partie tout de la Shoah… Et je me suis dis mais comment est-ce possible ? Le seul petit regret que j’ai, c’est de ne pas avoir entendu les témoignages des personnes rescapées mais le film portait plus sur l’aspect « juridique » on va dire que l’aspect « témoignages »

    1. Laurelas

      9 août 2015 at 18h51

      C’est une partie de l’histoire que j’ignorais et qui m’a plutôt choquée aussi (en voyant le film) bien que, avec le recul, je comprenne un peu pourquoi ça s’est passé comme ça (honte, envie d’oublier et de construire un futur meilleur… mais ça ne justifie pas tout!)

      Quant aux témoignages, je suis « contente » qu’il n’y en ait pas eu trop, ça aurait rendu le film un peu « sensationnaliste » et j’ai nul besoin qu’on me rappelle les horreurs des camps pour y croire…

      A bientôt :)

  • Lisa Giraud Taylor

    7 août 2015 at 14h44

    merci pour cet article relatif à ce film important. je l’avais chroniqué à sa sortie sur mon blog car je pense que le devoir de mémoire doit être fait en Europe : http://lisagiraudtaylor.blogspot.com/2015/05/chronique-cine-le-labyrinthe-du-silence.html

  • Aurore

    7 août 2015 at 16h48

    J’ai vu ce film en salle et il ne m’a pas laissé une très grande empreinte émotionnelle, mais factuellement il est vraiment bien foutu !

  • Célia Marinaro

    7 août 2015 at 16h53

    J’ai adoré ce film ! il est dans la liste des films que j’ai préféré cette année ! Le jeu des acteurs est vraiment très bon et comme tu l’as dit, il est incroyable que certain SS soient retourné à leur vie normale comme si rien ne s’était passé.

    1. Lisa Giraud Taylor

      7 août 2015 at 18h04

      Le fait est que certains ont eu la possibilité d’aider les alliés pour stopper les soviétiques et que dans cette « course » au partage de l’Europe libéré, certains pays alliés n’ont pas été regardant sur les anciens SS ou membres de la Gestapo et autres dignitaires du régime, face aux informations qu’ils possédaient (les services d’informations nazis étant particulièrement fournis).
      De nombreux « docteurs » ont travaillé bien après guerre dans des labos aux USA etc. en échange de leurs savoirs…

      c’est ce que certains ont appelé à l’époque « gagnant/gagnant »….

      1. Laurelas

        9 août 2015 at 18h48

        C’est un peu fou quand même cette histoire…
        Merci pour les précisions!

        1. Lisa Giraud Taylor

          10 août 2015 at 17h37

          En effet, mais ce sont les « dommages » des guerres… la répartition des territoires par les vainqueurs…

  • Valsissi

    8 août 2015 at 11h25

    Ce film a l’air bien !

  • Léa

    8 août 2015 at 17h50

    Hey! Je travaille pour la société qui distribue le film donc ravie qu’il t’ait plu :)
    Quand il sortira je te conseille Le fils de Saul. C’est un film très très dur mais splendide sur la Shoah.

    1. Laurelas

      9 août 2015 at 18h52

      Très, très dur? Je sens que ça veut dire que je vais passer mon temps à pleurer, mais c’est noté, merci :)

      1. Lisa Giraud Taylor

        10 août 2015 at 17h38

        Cela m’intéresserait aussi beaucoup de le voir afin de le chroniquer sur mon blog, ayant déjà chroniqué le labyrinthe du silence… Merci

  • Steph

    8 août 2015 at 19h55

    Je voulais aller le voir et à force d’attendre, il ne jouait plus :/
    Merci de ton avis, ça me donne encore plus envie de le voir !

    1. Laurelas

      9 août 2015 at 18h53

      Le DVD ne devrait plus trop tarder (et qui sait, peut-être qu’il sera sur Netflix ou équivalent bientôt aussi!)
      En tout cas je t’en prie et à bientôt :)

  • matchingpoints

    9 août 2015 at 18h17

    C’est le hasard qui nous a fait lire votre post sur ce film. Nous partageons votre avis, c’est un film intelligent, sensible et pudique. Nous en avions parlé aussi ce printemps
    http://wp.me/p2H2o8-5wA
    Bonne fin de week-end

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