Les Jardins du Roi
Me voilà bien embarrassée. Je viens de voir Les Jardins du Roi, et je suis très partagée sur ce film dont j’espérais secrètement beaucoup de choses, et qui m’a paru très inégal…
Je vais développer mon ressenti du mieux possible, mais d’abord un petit rappel du synopsis, pour ne pas vous perdre entièrement.
Dans les Jardins du Roi (A Little Chaos en VO) il est question du personnage (fictif) de Sabine de Barra (Kate Winslet), veuve et jardinière-paysagiste, qui se voit offrir l’opportunité par André le Nôtre (Matthias Schoenaerts) de participer à l’élaboration du Bosquet des Rocailles dans les jardins du Château de Versailles. Sabine va donc faire ses premiers pas à la cour, dans un univers qu’elle ne maîtrise pas, sous l’œil attentif de le Nôtre…
Ce qui me chagrine grandement ici, c’est le caractère très, très inégal du film – à côté de véritables moments de grâce on trouve parfois un manque profond de subtilité qui m’a grandement décontenancé, je dois bien l’avouer.
Alan Rickman qui réalise ici son second long-métrage (je n’ai pas vu le premier, The Winter Guest, réalisé en 1997) semble avoir hésité quant au ton à donner au film. On vogue entre drame, comédie, romance et film historique… Je ne sais pas si c’est un défaut ou une qualité, mais en y réfléchissant bien, peut-être que c’est aussi ça qui m’a un peu désarçonnée.
En revanche, pour le côté historique, passez votre tour – la cour de Louis XIV ne semble être là qu’en toile de fond tant les aberrations historiques parsèment le film. J’ai beau ne pas connaître sur le bout des doigts l’étiquette à la cour de France au XVIIe siècle, j’ai été très surprise de voir le film s’ouvrir sur Louis XIV se faisant réveiller par son épouse, la Reine, et ses enfants, tous en chemise de nuit…
Et cela n’est là qu’une des nombreuses incohérences historiques (sans parler que lors de l’élaboration du Bosquet des Rocailles, le Nôtre avait près de 70 ans..) mais passons. La rigueur historique ne semble pas avoir été centrale dans la vision de Rickman, et si on le sait dès le départ, c’est peut-être mieux.
Mieux pour savourer l’aspect purement romantique de l’intrigue, qui se trouve ponctué de scènes d’une grande délicatesse, portées par la douceur de la voluptueuse et talentueuse Kate Winslet.
Son personnage (que j’ai profondément regretté d’être fictif, me voyant déjà dévorer sa biographie en rentrant) est d’une modernité incroyable, dans un siècle où il est impensable qu’une femme soit indépendante et reconnue pour son travail. Encore une fois, on est loin du réalisme historique, mais un personnage féminin fort, ça me plaît forcément beaucoup.
Kate Winslet insuffle donc beaucoup de caractère à Sabine de Barra, mais également beaucoup de douceur et de vulnérabilité (paradoxalement). C’est une femme, créative qui plus est, qui évolue dans un monde gouverné par les hommes et qui réussit, contre toute attente, à tirer son épingle du jeu.
Quant à Matthias Schoenaerts, que j’ai trouvé peut-être trop effacé face à Kate Winslet, donne tout de même une grande part d’humanité et de profondeur à son personnage, sans tomber dans la mièvrerie.
Les Jardins du Roi, c’est avant tout un conte, une histoire d’amour qui raconte la rencontre entre deux âmes créatives, aux idées qui s’opposent (l’ordre d’André contre la fantaisie de Sabine) mais qui vont finir par s’apprivoiser, aussi parce qu’ils ne se sentent, tout deux, pas à leur place dans le monde superficiel de la cour de Louis XIV. Et ça, finalement, c’est très beau. Prévisible, mais raconté avec délicatesse.
Et il est là tout le paradoxe de ce film : pourquoi l’émotion et la délicatesse côtoient-elles un manque de subtilité profond ? Tout ça m’échappe.
Le film est assez truculent par ailleurs, et Alan Rickman dans la peau de Louis XIV est à la fois touchant et tout à fait savoureux. Mention spéciale aussi à Stanley Tucci dans le rôle de Monsieur, Duc d’Orléans et frère du roi. Ah, et j’ai été ravie de retrouver Jennifer Ehle dans le rôle de Madame de Montespan, après l’avoir tant adorée en Elizabeth Bennett dans le Pride and Prejudice de la BBC…
Côté photographie et prise de vue, j’ai parfois été surprise de voir tant de plans rapprochés, et je ne suis pas certaine que cela ait toujours été très opportun… La photographie du film est très anglaise en revanche – lumineuse et belle, mais froide. À savoir que le film a également été entièrement filmé en Angleterre, notamment pour des raisons de budget modeste… Ceci explique peut-être cela ?
Je vous en parle car j’attendais un peu de splendeur à la française, digne de la cour de Louis XIV et au lieu de ça, une ambiance beaucoup plus dépouillée, presque champêtre – ce n’est pas pour me déplaire, en soi, mais ça n’était pas ce à quoi je m’attendais…
Enfin, les costumes et décors, non sans charme, ne sont pas particulièrement remarquables. Probablement une question de budget encore une fois, mais ça manque un peu d’authenticité à la française. Dommage.
Bon. Clairement, les Jardins du Roi ne m’a pas laissé indifférente. Même si je regrette le manque de subtilité de certaines scènes et situations (voire la vacuité de certains dialogues) j’ai été séduite par la délicatesse d’une histoire d’amour certes prévisible mais pas dénuée de charme, et ce grâce à la belle performance des acteurs.
Ce film est donc très inégal, mais quelques scènes m’ont réellement marquées par leur force, leur beauté et leur délicatesse, au point d’en avoir les larmes aux yeux parfois.
Et détachez-vous de toute rigueur historique en allant le voir, ça aussi c’est important. (personnellement, l’histoire me fascine, alors ça me chagrine presque quand celle-ci est dépeinte un peu trop superficiellement, mais je fais sans doute figure d’exception)
Ah, et je n’en ai pas parlé, mais le rythme du film est assez lent, contemplatif (ce qui explique aussi certains partis pris de prise de vue il me semble) – c’est bien dans les moment de grâce, mais un peu long par ailleurs.
Décidément, j’ai été particulièrement prolixe sur les Jardins du Roi, sans doute parce que je n’arrive pas à dire, in fine, s’il m’a plu ou non…
Je ne vous le déconseille pas, mais je ne le conseille pas à tout le monde – certains s’ennuieront, d’autres seront absolument charmés, et il me semble que les critiques n’arrivent pas à s’accorder sur le sort de ce film. Un peu comme moi donc.
Et vous, l’avez-vous vu ? Qu’en avez-vous pensé si c’est le cas ?
Ce serait chouette de savoir ce que vous pensez de ces quelques points que j’ai soulevés, notamment à propos de la rigueur historique ou de la modernité du personnage de Sabine.
À très vite !
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Commentaires (6)
Florie
21 mai 2015 at 15h11
Oh, je pensais aller voir ce film (pour Alan Rickman, pour Kate Winslet et pour Louis XIV) mais je suis moi-même historienne et j’ai la fâcheuse tendance de ne plus parvenir à voir de film où la réalité historique est trop lointaine (oui, j’ai bien conscience que cela fasse un peu pédant et snob de dire ça mais c’est ce que l’on pourrait appeler une déformation professionnelle…). Alors je vais réfléchir avant de me précipiter au cinéma ! En tout cas, merci beaucoup pour ces critiques toujours très limpides et parfaitement argumentées : quand on n’est pas, comme moi, particulièrement cinéphile, cela aide beaucoup !
A très bientôt !
Laurelas
22 mai 2015 at 0h19
Merci beaucoup Florie, ça me fait drôlement plaisir ce que tu dis là ♥
En revanche, oui, si tu es historienne, je ne sais pas à quel point tu auras mal à l’histoire en regardant ce film… C’est incohérent sur ce point, ou du moins pas très rigoureux. Après, peut-être qu’en le sachant avant de le voir, ça passe mieux?
A bientôt :)
Shopgirl
21 mai 2015 at 16h50
De mon côté, j’ai aimê le côté prévisible de l’intrigue amoureuse, je guettais les signes, les rappeochements et j’ai été par l’acteur que je ne connaissais pas. Mais le fait que le personnage de Sabine n’existe pas créée le malaise. Est ce qu’une femme aussi indépendante aurait pu tellement exister à la Cour ? Les petites magnigances , la vie privée de Louis XIV semblent décalés pour nous françaises . Je suis allée le voir en VO et je riais toute seule que le roi Soleil puisse parler anglais :D …
Faire un film d’époque sans respecter le contexte et les détails est un non sens, restent alors de jolis moments lumineux , la créativité de Sabine, la scène de fin tres réussie .
Certainement pas le film le plus fidèle à l’Histoire mais un bon moment … So British .
Laurelas
22 mai 2015 at 0h21
Ahah, c’est exactement ça, j’ai rigolé un peu toute seule devant ce Rickman en monarque français (qui reste justement drôle à voir pour ça, entre autres). Et quel paradoxe, un film so British, censé raconter un pan d’histoire (romancé certes) de la France.
Bref, on se comprend sur ce point :)
Margaux
24 mai 2015 at 19h19
Ce n’est pas la première fois qu’un film historique sur cette période là ne suis pas le vrai contexte historique.
Le Marie Antoinette de Coppola me vient en tête, j’avais beaucoup aimé son film mais quand j’avais lu la biographie de la reine, j’ai étais déçue de voir que le film de Sophia Coppola n’avait juste dépeint qu’une Marie Antoinette remixé à la sauce Hollywoodienne.
Laurelas
28 mai 2015 at 0h29
Ah ça, clairement Marie-Antoinette de Coppola n’est pas du tout proche de la réalité – cela dit, c’était un parti pris de Coppola aussi, cette esthétisation de l’univers royal, à coups de macarons et autres anachronismes (du moins il me semble)